VILLES – ANTANANARIVO CÔTE CŒUR…
Côté coloris, Antananarivo n’a rien à envier à Venise, estime Tom Andriamanoro. Ensuite, parlons foot, ce jeu collectif qui fédère une nation et compte 60 millions de tifosi en Italie. Quant aux présidentielles africaines, rien de nouveau sous le soleil : bourrage d’urnes et contestation des résultats, suivie d’émeutes.
Le temps passe vite. Dans notre édition du 14 novembre 2015, nous parlions d’Antananarivo en ces termes : « Pourquoi donc les étrangers savent-ils mieux lire entre les lignes que les Malgaches eux-mêmes Pourquoi leur récepteur parvient-il à repérer des couleurs affectives auxquelles celui des Tananariviens de souche paraît insensible Serait-ce parce que les Malgaches sont trop pris par le côté utilitaire de leur quotidien, au risque de ne plus se soucier du dépérissement couru par leur cadre de vie (…) Nous avons aussi cité ce diplômé d’Histoire de l’art qui a, un jour, avoué : Je n’ai jamais rencontré une ville comme Tana, dont l’architecture a autant été façonnée par son histoire ». Et Michaël Ferrier, à qui nous avons ouvert dernièrement notre colonne « Lettres sans frontières », affirme lui aussi : « Antananarivo est une des seules villes au monde qui puisse rivaliser en coloris avec Venise ou les peintures de Titien». Cela ne veut plus dire grand-chose au Tananarivien qui a remisé la beauté d’Iarivo dans les « Kalon’ny Fahiny » … Faisons-nous donc plaisir en parcourant les « Mémoires d’outre-mer » de ce même auteur, aujourd’hui enseignant de littérature à Tokyo, et laissons libre cours à sa plume dans sa description d’une autre ville qui s’appelle Antananarivo.
Quelle surprise ! Quelle jubilation ! Au premier coup d’œil, un fou rire colossal vous prend devant cette capitale de beauté. De la ville basse à la ville haute, ce ne sont que ruelles pavées et pentues, escaliers de basalte gris sur collines de granite, roses à l’aurore, orange au couchant, traversées par les variations de la lumière, trouées de routes et de chemins de traverse, criblées de petites maisons de pisé accolées à de somptueux tombeaux de pierre sèche. Ci et là, des palissades faites de bois aiguisés comme des accents circonflexes. Partout, des toits de tuile à double pente et des balcons de bois, de petits volets ouverts sur des ravins immenses, des varangues et des vérandas déployées sur l’émerveillement du vide dévoré par les arbres, les gens, les jardins (…)
De volée de marches en volée de moineaux, les ruelles descendent, cloche-pied et pas menus, du plein soleil d’Antaninandro au corail rouge d’Andravoahangy, puis bifurquent en s’élargissant vers Ankaditapaka, où s’ouvre toute la plaine de l’Ikopa et les carrés verts de ses rizières. Car, fille des montagnes, Tana est la reine des rizières. Selon les saisons, elle trône sur un vaste paysage de poules et d’épouvantails, de javelles et de gerbes, de semis ou de herses, mesuré par les gestes précis des piqueurs et ponctué de leurs chants. À chaque pas, le piéton est repris par la voltige des chemins. Ils trottent, gambadent, claquent, sautillent, remontent vers le ciel ou se catapultent dans une ravine voisine. Ici, rien ne pose ou ne se pose, rien ne s’attarde. Filons…
Dans la ville de Tana d’aujourd’hui, les maisons avec des toits à double pente côtoient celles à l’architecture occidentale.
Piège délicieux
Cauchemar des voitures, qui marinent en bas dans une pollution épouvantable, mais délice des promeneurs : toute une cité à gravir ou à dévaler. « Remontez le courant, vous êtes la proie du caïman, descendez-le, vous êtes la proie du crocodile », dit un proverbe malgache. Çà y est, plus moyen de s’en sortir : Antananarivo vous a pris à son piège délicieux (…) Un trajet aléatoire et ondoyant, fait de torsions de phrase et de changements de ton, modulations qui semblent s’adapter à chaque changement du relief et de la sensibilité, musique, partition de briques et de branches, d’églises escarpées comme des falaises, rugueuses, étoilées çà et là d’une touffe de laurier. Aérienne et volubile, fragile et élancée, une improvisation permanente soutient cette topographie intempestive (…) Quelquefois, la ville se pare de ses plus beaux nuages, voyages de coton blanc dans le ciel bleu. Le feu du soleil s’empare des toits. Les balcons, transportés par la lumière, semblent flotter devant les maisons comme des nuages d’or. D’autres fois, c’est un orage gonflé de foudres, la ville est environnée de grondements, de roulements de tonnerre, d’abîmes béants et de sinistres présages. Les craquements du bois ont une profondeur et une intensité fulgurantes, les lézards détalent à toute vitesse, des pluies diluviennes s’abattent avec un bruit d’émeute et de cavernes.
Dans les pages de ce paysage, de cet almanach de roches et de feuillage, les Malgaches se promènent, en costumes, en haillons, en chapeaux. Leur démarche est célèbre dans le monde entier : on la dit nonchalante, lente, parfois même avachie. Un mot circule, que même les touristes connaissent, qui résume ce rythme du corps léger, fluide, épanoui : moramora. On traduit souvent par « lentement » ou « doucement ». Parfois pourtant, des accélérations soudaines, des gestes d’une précision incalculable – celui des enfants qui, sur les terrains les plus accidentés, font rouler au bout d’une branche un cerceau de ferraille avec la justesse du funambule, celui des joueurs de dominos qui font claquer sur la table les rectangles de bois. Il faut se laisser porter par le pas du pays lui-même, par le pouls de la ville, sa pulsation ocre. On comprend alors que le moramora n’a pas grand-chose à voir avec la vitesse ou la lenteur, mais qu’il révèle bien plutôt une autre façon de se mouvoir dans le temps, désinscrit de ses cadres et réfractaire à ses coordonnées : il faut sortir du calendrier des hommes et de sa régulation asphyxiante pour entrer dans l’énergie des corps, leur histoire secrète, leur liberté vibratoire.
http://www.lexpressmada.com/blog/magazine/bemiray-pour-que-la-mer-ne-soit-plus-la-limite-de-notre-riziere-10/
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