PATRIMOINE – ANTANANA AMBONY, LA VIEILLE VILLE DE FIANARANTSOA
Le patrimoine de la vieille ville de Fianarantsoa, les photographes et leurs appareils de prédilection, les personnalités européennes quadragénaires… Autant de sujets abordés par ce Bemiray de Tom Andriamanoro.
Ironie de l’Histoire : c’est sur l’emplacement du village betsileo d’Ivonea que la reine Ranavalona Ire, grande persécutrice du christianisme, décida en 1830 de bâtir une ville-relais entre Antananarivo et le Grand Sud. Ce qui est aujourd’hui le Vieux Fianar, familièrement appelé « Antanàna ambony », ou tout simplement « La Haute » est, dans tout Madagascar, le quartier qui possède la plus forte concentration d’édifices cultuels : Antranobiriky (1859), Ambalavao (1864), Randzavola Ivohidahy (1868), Imasombahoaka (1885), Andranosoalaza (1887), Ambozontany (1900).
Difficile, en parlant de ce patrimoine amoureusement conservé, de faire l’impasse sur un nom : celui de Jimson Heritsialonina, ancien président de l’Office du tourisme fianarois, créateur d’une Fondation entièrement dévouée à la Ville Haute et qui porte son nom, et propriétaire du Tsara Guest House, cité par Antoine, le navigateur-cinéaste, comme étant l’un des hôtels qu’il a le plus apprécié. A la limite de « La Haute » comme il se devait, et construit à partir d’une vieille église « Jesosy Mamonjy » désaffectée, il fallait l’oser, et le réussir ! On se souviendra aussi de Karen Freudenberger, fianaroise pendant une dizaine d’années, et coordonnatrice locale du Programme de sauvegarde de la Vieille Ville (PSVV) avant son retour définitif aux États-Unis.
« Antanàna ambony » forme un ensemble homogène de quelque 500 toits, une ville miniature peut-être la mieux structurée du pays, avec ses strates correspondant initialement au statut social de ses habitants. Comme le Rova n’existe plus, le temple protestant d’Antranobiriky, première construction en dur de Fianarantsoa, constitue le sommet de l’ensemble. Zone piétonne interdite aux voitures, aussi bien en raison de la topologie des lieux que par le fait que ses vieilles maisons sans fondation ne supporteraient pas durablement les trépidations, la vieille ville a cet autre avantage, par les temps qui courent, d’être l’un des rares centres urbains préservés du grand banditisme. La promiscuité aidant, on imagine en effet mal des malfrats avoir la moindre chance d’aller loin, ni vus ni connus, leur butin sur le dos. Certes, et c’est là l’un des mystères d’« Antanàna ambony », elle est truffée d’une multitude de galeries qui pourraient servir de voies de repli, et l’ont effectivement été autrefois car débouchant vers l’Ouest ou du côté du lac Anosy. Mais plus personne n’ose les emprunter, par crainte d’effondrement. Et pourtant, elles pourraient réserver des surprises, certaines desservant de véritables chambres souterraines qui gardent à jamais leurs secrets.
Loin d’être une cité-dortoir, la vieille ville est un véritable lieu de vie avec ses ribambelles d’enfants sur le chemin de l’école, sa « rue » principale pavée et ses escaliers, les courettes plantées de fleurs, les vérandas bien malgaches, les petits snacks, les boutiques. Des chambres d’hôte ont même fait leur apparition à l’intention des touristes… Il peut bien arriver que certains habitants ressentent le besoin d’émigrer dans la ville basse pour des raisons de commodité, ou celle de faire « plus moderne » en construisant autrement, dans le style maison carrée avec toit en tôle ! La Fondation se fait un devoir de leur inculquer la fierté d’habiter dans cet environnement, au besoin en montrant des images de vieux quartiers bien entretenus en Europe ou ailleurs. Car la collaboration avec le PSVV vise, non seulement à sauver un patrimoine, mais aussi à améliorer les conditions de vie. « Nous essayons même de convaincre ceux qui sont partis de revenir. » Les résidents sont aidés, notamment pour la réparation des toitures où leur apport est fonction, non pas du coût réel des travaux, mais de ce qu’ils peuvent prendre en charge. Car « Antanàna ambony », classée Zone protégée à intérêt historique et architecturale par un arrêté municipal, tient à son image inchangée depuis le XIXe siècle.
Retour sur image, nous sommes en 2008. L’évènement est passé inaperçu sur le plan national alors que, cette année-là, « Antanàna ambony » a intégré la liste, réactualisée tous les deux ans, des 100 sites du World Monuments Fund basé à New York. Ce programme lancé en 1995 attire l’attention mondiale sur le patrimoine pouvant être menacé par des conflits, des catastrophes naturelles, ou tout simplement par le vandalisme et la négligence. Les sites sont sélectionnés par des experts indépendants, professionnels de la préservation, et peuvent être des hauts-lieux de l’archéologie, des ensembles résidentiels, des paysages culturels, ou des travaux d’ingénierie. Toutes les périodes de l’histoire de l’humanité sont concernées, de l’Antiquité gréco-romaine à l’ère moderne. Cette année-là, les quartiers du vieux Fianar, devant lesquels les touristes peu ou pas informés passent sans s’arrêter, se sont alignés avec d’autres trésors à préserver là-bas au Pérou, en Jordanie, en Slovaquie, en Azerbaïdjan, en Jamaïque, et même à Ross Island dans l’Antarctique…
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