FOIRE RURALE – À LA REDECOUVERTE DES PRODUITS DU TERROIR
Qu’ils viennent du Sud et du Sud-est malgaches, où le climat est sec et aride ou d’autres régions où la pluie est clémente, qu’ils aient vécu dans le milieu rural depuis des générations ou découvrent les métiers de la terre pour la première fois, les paysans malgaches continuent d’innover, malgré les difficultés.
Les producteurs de l’Anosy et de l’Androy sont venus participer à la Foire internationale de l’économie rurale de Madagascar, Fier Mada, qui se tient actuellement à Mahamasina. « Faites bouillir de l’eau ou du lait, versez-y une quantité suffisante de gary, soit un kapoaka pour quatre personnes ». Sur l’emballage de ce produit originaire d’Androy figure une petite recette facile destinée à apporter une amélioration à l’alimentation quotidienne des familles, dans une région aride où le climat est peu clément. C’est dans cette partie Sud de Madagascar que s’est implantée l’entreprise familiale Taza qui se spécialise dans la transformation des produits du terroir de l’Androy. Le gary est une poudre de manioc séchée, vulgarisée par cette entreprise pour solutionner les contraintes de conservation de la production agricole. Hajasoa Zenomey qui représente l’entreprise Taza explique : « Il fallait trouver une technique de conservation de la production, car par manque de débouchés, le manioc récolté se perdait rapidement. Nous nous sommes alors formés, en se basant sur ce que nous savions de notre terroir et de nos produits, afin de promouvoir la poudre de manioc. Les paysans utilisent cette technique pour conserver leur récolte ».
Appuis Outre le manioc, le ricin est aussi un produit-phare de l’Androy. C’est une plante rustique qui a une excellente résistance au climat sec. Dans les années 1940, Madagascar en exportait quelque 12 000 tonnes chaque année. Mais, victime de son enclavement contre lequel peu d’investissements durables ont été opérés, et limitée dans ses débouchés potentiels, l’Androy, qui était la principale région productrice de ricin, ne peut plus en exporter que 200 tonnes annuelles. Aujourd’hui, une entreprise comme Taza travaille avec un réseau de fournisseurs locaux et extrait une moyenne de 120 kg d’huile de ricin par jour. À travers le projet Asara, pour l’amélioration de la sécurité alimentaire et du revenu agricole des régions Sud et Sud-Est de Madagascar, les paysans et opérateurs locaux bénéficient d’appuis de partenaires. Des formations pour améliorer les petits élevages et le suivi sanitaire des animaux et leur alimentation, des applications pratiques pour soutenir l’agriculture et l’élevage et la diffusion de manuels faciles pour de meilleures pratiques de production, la possibilité pour les paysans et les coopératives de bénéficier de financements pour l’achat de matériels, la contribution locale pour la mise en place et l’entretien de pistes et de routes, afin de mieux circuler et de faire écouler les produits : autant d’initiatives qui encouragent les petits producteurs. Encore au mois de juillet, les producteurs des deux régions ont participé à une foire locale baptisée Volily Harea, au cours de laquelle les produits de la terre et de l’élevage ont été valorisés.
La production de miel de l’Anosy s’améliore
Elles sont aujourd’hui sept femmes, réunies dans la coopérative « Honey and Soga » qui transforme les produits à base de miel et de fruits. Bougies décoratrices, miel, confiseries, pains d’épices, baume et savons cosmétiques, huiles essentielles : autant de produits que Nathalie Holonirina Bakoliharisoa et ses collègues produisent depuis Taolagnaro. « L’initiative a permis d’employer des femmes qui, auparavant, n’avaient pas de travail et qui maintenant, peuvent se spécialiser », précise-t-elle. Le miel était une filière importante dans les années 1940. Mais le secteur s’est rapidement étiolé : si l’exportation était estimée à 35 000 tonnes dans les années 1990, elle est passée à 120 tonnes en 2012. Une baisse significative essentiellement due à la non-conformité en termes de qualité et de normes sanitaires de la production nationale. « Mais la production de miel de notre région s’est très sensiblement améliorée, ces dernières années. Ce qui nous a permis de soutenir une production de qualité et qui se ressent sur la qualité des produits dérivés », mentionne encore Nathalie Holonirina Bakoliharisoa.
Filière – L’élevage caprin peu connu
À la tête d’un troupeau de 453 chèvres, Louis Zafisolo est le président de la Fédération des éleveurs caprins de l’Anosy et vice-président de la Plateforme des éleveurs de l’Anosy et de l’Androy. L’élevage de chèvres est un sujet qui le passionne : il en vit depuis des années, comme les familles de son Anosy natal, depuis des générations. Pour ce paysan éleveur : « La chèvre est aussi importante que le zébu. Pourtant, son élevage ne bénéficie pas d’autant d’encadrement ». Contrairement au zébu dont l’élevage et le suivi sanitaire sont réglementés et compris autant par les autorités que par les éleveurs eux-mêmes, la chèvre est considérée comme une bête sans intérêt. « Le vol de zébu est sanctionné par des dina, règlements coutumiers et locaux, que la communauté prend très au sérieux. Ce n’est pas le cas de la chèvre dont le vol, s’il est pris en considération, est puni légèrement et ne satisfait pas l’éleveur qui a subi le préjudice ». À ce jour, aucun système de recensement ne régit l’élevage caprin, s’inquiète Louis Zafisolo. À travers sa Fédération et la Plateforme régionale des éleveurs, il affirme se mobiliser pour que sa filière soit mieux soutenue, car pour les éleveurs de l’Anosy et de l’Androy, « la chèvre pourrait représenter les 80% des sources de revenus des paysans des deux régions. C’est un animal qui s’adapte très bien avec notre climat ». Pour ces éleveurs, « le Sud malgache ne fait pas nécessairement face à un problème de production, ni même d’alimentation, comme le kere. C’est surtout un problème d’accès. Si nous pouvions atteindre les débouchés utiles à nos productions, nous aurions dénoué une part importante de nos difficultés ».
Tout en continuant leur plaidoyer pour obtenir l’encadrement réglementaire de leurs activités, ces éleveurs se lancent dans la production de fromage de chèvre, un produit qui a son petit succès auprès des clients.
Se regrouper pour mieux se soutenir
Plusieurs associations, Fédérations et Plateformes faîtières naissent autour des activités paysannes. La Plateforme Soajoro, qui regroupe les producteurs de haricot et de niébé de l’Anosy, est l’une de ces structures. Pour Abdon Martin, vice-président, ces regroupements facilitent l’entraide entre paysans.
« La Plateforme présente l’avantage de mettre à disposition des acteurs, des données fiables sur le haricot et le niébé de l’’Anosy, tant localement qu’au niveau des marchés régionaux et nationaux. Nous avons, entre autres, la tâche de proposer des recommandations pour que la filière ait un développement durable et profitable à tous" note-t-il.
La Plateforme englobe toute la chaîne de productions, du paysan producteur aux opérateurs économiques, ainsi qu’aux fournisseurs de matériels agricoles. « L’idée d’une Plateforme de niébé et de haricot émane du fait que ces deux produits sont connus des paysans, parce qu’ils sont résistants à notre climat, mais que leur exploitation n’est pas encore au maximum de leur potentiel. À travers les structures officielles, les paysans se font aider, font appel à des financements et améliorent leurs productions », conclue-t-il.
Randyanne Andriampanasina – « Je rêve de percer sur le vrai maraichage bio à Madagascar »
Cette fermière de la nouvelle génération est l’une de ces jeunes qui reviennent à la terre. Ils n’ont pas grandi au milieu des champs mais ils ont décidé de retourner à la campagne pour réapprendre à vivre par et avec la terre, et les nouvelles technologies.
Pourquoi s’être convertie à l’agriculture bio ? D’où vient cette inspiration ? Après avoir vécu pendant deux ans à Toamasina, je suis rentrée à Antananarivo pour, entre autres, réaliser mon rêve : produire ma propre nourriture et celle de ma famille, sans intrant chimique, en essayant de respecter l’environnement et de diminuer nos empreintes écologiques, tout en pratiquant la « permaculture », une philosophie de vie qui me plait beaucoup. La permaculture aurait cent définitions mais en gros, c’est prendre soin de la terre, car il faut lui donner pour qu’elle nous donne en retour, prendre soin de tous les vivants, et partager autour de soi : le savoir-faire, le surplus de produits, le retour à la terre elle-même à travers le compost organique. J’ai aussi voulu prouver à travers cette prise de conscience, que produire sa propre nourriture ne veut pas forcément dire prendre sa retraite. Ce sont deux choses différentes que beaucoup de gens confondent. La phase d’observation, importante en permaculture, m’a permis d’imaginer une hygiène de vie plus saine et plus fun : faire le marché dans le jardin tous les matins, primeur et fraicheur garanties même avec des imperfections, et gratuitement, que demander de plus ? Du coup, j’ai décidé de me créer un emploi, c’est ainsi donc que je suis devenue une fermière.
Comment vous êtes-vous organisée pour mettre en place cette activité ? J’ai arrêté de travailler dans un bureau entre quatre murs. Je n’ai plus d’obligations sévères avec les horaires. Je peux travailler dans le jardin, ou depuis ma chambre, pendant mes voyages. Bref, en totale liberté. J’ai tout appris à travers internet, je me suis inscrite sur plusieurs groupes d’échanges, malgaches et français, dans les réseaux sociaux. Je passe des heures sur Youtube, sur les sites des grandes fermes à l’étranger. Je me documente le soir et la nuit, je suis sur terrain le jour. Pour les heures de travail, difficile de comptabiliser. Cela dépend de beaucoup de choses : du soleil, de la pluie, de l’envie, de l’inspiration, de la flemme, car cela arrive aussi ! Au tout début, j’ai acheté des sémences auprès d’un paysan de Sabotsy Namehana, et je pratique souvent les trocs de graines, avec des Malgaches comme avec des étrangers. Sinon, je crée moi-même mes propres sémences.
L’objectif posé au début de l’activité semble-t-il toujours réaliste aujourd’hui ? Je suis une grande rêveuse. Je rêve d’inculquer le jardinage dans le système éducatif. Avec un ami, nous avons déjà un projet en cours avec une école pour la nouvelle année scolaire à venir. Je rêve de percer sur le vrai maraichage bio à Madagascar, en faire un travail à part entière, et vulgariser à nouveau la production sans engrais chimique, en harmonie avec la nature : les mauvaises herbes, la position de la lune, … et non contre elle. Et puis, un résultat quantitatif et qualitatif est parfaitement possible, contrairement à ce qu’on le croit. C’est un grand défi mais si les autres y arrivent, pourquoi pas nous ? Enfin, je souhaite créer une forêt nourricière sur mes propres terres, ou tout le village entier pourrait se servir gratuitement. Je suis en plein déménagement pour le réaliser, cela prendrait du temps mais j’y tiens et j’y crois et je vais y arriver. Je rêverais d’avoir une autonomie alimentaire saine : riz, légumes, volailles, grains, produits laitiers, … au moins à 97% d’ici cinq à sept ans. Et je rêve aussi qu’un de mes fils continue ce que je fais un de ces jours.
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