MADAGASCAR DILANN TOURS

MADAGASCAR DILANN TOURS

AUTOUR DU ZÉBU – LE TOLON'OMBY, UN PATRIMOINE A L'HONNEUR DE LA FÊTE NATIONALE

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Manandriana-Avaratra, le 26 juin. Le petit village d’à peine deux cents  toits se réveille d’une nuit éclairée aux lampions, la traditionnelle parade de l’arendrina qui réunit petits et grands des quatre coins de cette commune rurale située à 20km d’Antananarivo. Mais en cette matinée de la célébration du retour de l’Indépendance, c’est une autre tradition qui émeut les villageois : le fameux tolon’omby.

Le clou des festivités. Des semaines auparavant, Manandriana et ses environs se sont préparés à cet évènement. Chaque année, le « tolon’omby », littéralement « le combat avec le taureau » que d’aucuns traduisent simplement « tauromachie malgache », draine la foule. Certains sont venus de loin pour affronter la bête ou pour assister au spectacle. Manandriana est l’un de ces villages de l’Imerina, avec ces petites maisons de briques roses ornées de varangues de bois d’où flottent les drapeaux aux couleurs nationales, et organisées autour d’une grande place où l’on retrouve une pierre sacrée. Lorsque le soleil sera au zénith, cette même place sera noire de monde, tandis que les varangues et les fenêtres serviront de balcons aux moins téméraires.

Une lutte à mains nues
Dans l’enclos du village, l’on dispose les plus puissants  taureaux qui participeront à ce sport. L’enclos est un grand corral de bois, à travers lequel hommes et zébus commencent déjà à s’affronter du regard, chaque groupe de son côté. Sur la place du village, les hommes les plus intrépides se préparent à l’affrontement. Parmi eux, on retrouve Rija, un jeune homme d’à peine 25 ans qui, depuis trois ans, a toujours gagné le tournoi de tolon’omby de Manandriana-Avaratra. Un exploit qui n’est pas anodin, car la prouesse consiste à rester le plus de temps possible accroché à la bête enragée. « C’est toujours impressionnant, pour soi-même comme pour autrui, quand on se rend compte qu’à force de persévérance et d’agilité, notre force humaine peut dompter un animal aussi puissant qu’un taureau, même pendant quelques secondes. Cela nous enseigne à dépasser nos limites », explique Rija.
Le tolon’omby est un sport qui se fait à mains nues : aucun participant ne porte un objet tranchant qui pourrait blesser l’animal, mais uniquement des cordes pour arrêter la bête dans sa course. Autrefois, les hommes portaient uniquement leur pagne afin que chacun puisse voir qu’ils n’ont aucune intention de blesser l’animal.
Le maire de Manandriana-Avaratra prend la parole devant l’assemblée. « Nous organisons le tolon’omby tous les ans et sommes fiers de constater que cette manifestation traditionnelle continue de plaire. Fêter l’Indépendance, c’est aussi être fier de ce qui nous est particulier », explique-t-il. On annonce l’ouverture de l’enclos, aux douze coups de midi, sous les vivats de la foule. Les bêtes sont déjà surexcitées, énervées par toute cette attention fébrile qui leur est portée. Le tolon’omby défraie les passions, comme de coutume.

 

 

 

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La course folle dans le village
Le corral est ouvert. Brusquement, les bêtes sortent, déchainées, au milieu du village. Leur passage soulève d’épais nuages de poussière qui teintent l’atmosphère d’une nuance de latérite. Les animaux galopent furieusement, tournent autour de la place où la population est fiévreuse de délire. Parfois, quelques-uns veulent se mesurer aux taureaux, mais prennent vite leurs jambes à leur cou dès que l’animal racle le sol de ses sabots, la tête basse, le museau bavant de fureur, prêt à soulever de terre chaque obstacle. À Manandriana, le tolon’omby se fait au cœur même du village, si bien que les taureaux se faufilent dans les petites ruelles, jusque près des tombeaux, à la poursuite de leurs adversaires. Les gens hurlent, crient, rient. Les uns s’accrochent aux arbres, escaladent les murets, se calfeutrent derrière les charrettes, les autres se hissent sur les tombeaux.
D’intrépides jeunes gens dont Rija restent au milieu de la place, affrontant l’animal, la peur et l’adrénaline se voient sur leur visage en sueur. Les bêtes s’approchent, furibondes. Les jeunes hommes les traquent, s’accrochent à leurs cornes, à leur bosse, à leurs flancs tandis qu’elles remuent sauvagement pour se défaire de l’étreinte. Les coups de sabots font planer des corps, les coups de corne ramassent des jambes, mais Rija et ses amis ne se découragent pas. Ils sifflent les taureaux qui se retournent, comme abasourdis par tant d’insolence, attaquent à nouveau, sans aucune indulgence. À nouveau, une galopade endiablée dégage des nuées de poussière, tandis que bêtes et humains courent dans tous les sens. Soudain, des lassos enlacent des cornes acérées dans un meuglement de colère.

 

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Rija, vainqueur du « tolon’omby » 2017 de Manandriana-Avaratra.

 

 

Trois fois vainqueur, face au taureau
La foule est en liesse, tandis que Rija et les autres combattants tentent d’immobiliser les bêtes qui ne perdent pas encore leurs forces. Brutalement, elles se dégagent des bras et des poignées qui veulent à tout prix les arrêter. Quelqu’un crie « tire sur la queue, mords la queue », mais rien n’y fait. Un à un, les hommes déclarent forfaits. On acclame Rija, dernier à subsister sur la bosse du zébu qui se calme petit à petit, fatigué. Rija a gagné pour la troisième fois le tournoi de tolon’omby de Manandriana-Avaratra, sous les applaudissements de son village.
Le tolon’omby est présent dans beaucoup de régions de Madagascar, sous diverses appellations comme savika ou roapanolona. Ernest Ratsimbazafy, Maître de conférences, dans ses recherches intitulées Une vision anthropologique des pratiques physiques traditionnelles : vers une ‘patrimonialisation’ du savika explique le fondement de l’affrontement entre l’homme et l’animal : « Ce jeu occasionnel servant à éduquer les jeunes dans leur préparation à la vie active, s’avère un élément essentiel dans la formation et le développement de la personnalité. Il sert à démontrer à la communauté, aux spectateurs et à soi-même la virilité, le goût du risque, l’adresse et le style personnel de chacun. Les combattants s’en servent aussi pour le prestige des ancêtres, du groupe, du clan, de l’équipe d’appartenance et du village tout entier. »
À Manandriana-Avaratra, le spectacle se termine dans l’allégresse. Place maintenant aux traditionnels hira gasy et aux kobandravina, gâteaux traditionnels oblongs et sucrés. Le soleil décline à l’horizon. Dans l’enclos, les taureaux se reposent après l’effort.

Sauf le zébu!

Contrairement à la tauromachie occidentale, le tolon’omby, le savika ou le roapanolona ne consistent pas en un combat à mort, mais en une lutte entre la force humaine et la force animale. Dans les règles de l’art du tolon’omby, aucune forme de tortures, de blessures volontaires, de tueries, ni même d’acharnement inutile ne doit être faite sur l’animal, bien que les participants subissent parfois des blessures dues aux cornes ou aux coups de sabots.

 

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Au premier plan, un bœuf à la robe «vato nalahatra» ou pierres arrangées.

Au second plan, à droite, un bœuf à la robe «marovolo».

 

Des centaines de noms pour définir le zébu

Le zébu est omniprésent dans la culture et la tradition malgaches, quelles que soient les régions. Il existe dans la nomenclature malgache du zébu plus de deux cents cinquante noms pour désigner la robe de l’animal, la découpe de ses oreilles, la forme de ses cornes, selon les particularités des espèces, dont les unes ont été croisées avec d’autres. Des noms aujourd’hui inconnus du grand public témoignent de la vaste culture patrimoniale autour des bovidés.
Ainsi, les omby malia désignent les zébus sauvages que leurs propriétaires laissent paître dans les forêts. Les omby rana sont les fruits de divers croisements antérieurs entre plusieurs espèces et se reconnaissent par l’absence de bosse et leur bonne production de lait.
Le croisement avec les spécimens d’espèces européennes date du XIXe siècle : les bœufs Zafindraony  (Petits enfants des nuages) en sont issus. Des croisements d’espèces réalisées dans les années 1930 dans la station régionale de recherche Kianjasoa, créée en 1928, a produit les bœufs Renitelo (trois-mères). Ils se singularisent par leur robe pourpre, avec des teintes plus claires sur les flancs. Bien qu’ils soient le fruit d’un croisement artificiel, les Renitelo sont classés endémiques à Madagascar.

 

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Boucherie paysanne au milieu d’un marché de campagne.

 

La viande de bœuf, la cuisine malgache par excellence

Les plats à base de viande de zébu, sont les recettes phares de la cuisine malgache.  Leur présentation est simple, mais la préparation est sophistiquée, tout en gardant l’identité de la gastronomie malgache : une cuisine généreuse et conviviale, familiale. L’archéologue Bako Rasoarifetra explique : « Le zébu étant associé  à la sacralité, au pouvoir et à la richesse, sa viande constitue le principal mets d’accompagnement des repas de toutes les circonstances, depuis les cérémonies rituelles aux simples nourritures quotidiennes. La préparation de la viande, la conservation et la cuisson ne diffèrent point pour l’ensemble de l’île ; la technique et le savoir-faire se transmettent de génération en génération et constituent en partie le référant identitaire de la population malgache. » Il existe dans toute l’île plusieurs modes de cuisson de la viande de bœuf. La viande salée et boucanée ou fumée, appelée « hena asaly » ou «omby sira»; la viande découpée en lanières appelées « kitoza » ou « pika »; le « borinjy » qui se cuisine comme le « varanga», mais qui se mange au jour le jour car la cuisson se fait en laissant la marmite ouverte; le « hena vandana » ou viande marbrée, qui consiste à mélanger la viande maigre et la viande grasse.

 

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La découpe de la viande de zébu, à la manière traditionnelle.

Le masakevoka, la recette des nomades

 

Le hena masakevoka, cuisine antandroy et mahafaly, symbolise quant à elle une cuisine très particulière, dès la préparation du plat à sa consommation. Le zébu est abattu à coups de sagaie. L’animal ne sera pas vidé et sera cuit en entier, avec la peau. Son museau est maintenu grand ouvert par une pierre placée entre ses mâchoires et le tout enfoncé dans une fourmilière recouverte d’un feu de bois. D’abord, l’intérieur de l’animal commence à bouillir, puis la peau s’arrache au toucher : la cuisson est à point. Chacun se taille un gros morceau pour son repas.

 

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Le varanga, morceaux de viande confite.

 

 

Le varanga, la viande du Bain royal

 

Traditionnellement, le varanga, viande confite, est issue de la viande de cérémonie du Fandroana, le Bain royal. Les morceaux, non salés, sont cuits dans une énorme marmite en fonte. La cuisson se fait à feu doux pendant deux jours et une nuit, soit le temps qu’il faut pour que la graisse remonte à la surface et que la chair soit tendre, effilochée et parfumée. La marmite est couverte de façon à ce que l’air n’infiltre pas son contenu. On laisse la viande macérée jusqu’au prochain Bain royal, où il accompagnera le repas familial.

 

Textes et photos : Mialisoa Randriamampianina

 

http://www.lexpressmada.com/blog/magazine/autour-du-zebu-le-tolonomby-un-patrimoine-a-lhonneur-de-la-fete-nationale/

https://dilanntours-madagascar.blog4ever.com/

 

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05/07/2017
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